
Une Terre, un multivers
Si les platistes sont une caricature risible parce qu’ils croient fermement à la théorie farfelue d’une Terre aussi plate qu’une tarte dont les bordures infriables feraient office de barrière de glace empêchant l’eau des océans de déborder, que dire de l’autre théorie qui émerge ? Celle où au sein de cette même Terre un étrange multivers abrite des créatures de la même espèce aux temporalités foutrement différentes ?
Ça donne un monde qui ressemble étroitement au nôtre. En fait, c’est notre monde. Et à l’inverse des platistes, le cœur n’est pas à la rigolade. Ça fait même peur.
La première réalité de ce monde n’a que deux mots à la bouche pour décrire ses urgentes priorités : Fashion Week. C’est l’enjeu de plusieurs centaines de milliers de vies. Et dans le fond, même si c’est dit avec une tonalité ironique soupirante, malgré l’apparente vanité du milieu de la mode, c’est vrai. Puisque des ressources y coulent à flot, permettant à une économie d’être nourrie entre offre et demande, qui permet à son tour de nourrir des demandeurs d’emploi.
Ce monde de fastes et d’artifices voit les appareils crépiter autour d’une existence mondaine où les célébrités du globe entier usent de moyens financiers et médiatiques colossaux en laissant la trace de leur prestigieuse empreinte carbone pour observer un balai de tissus portés par des mannequins squelettiques exprimer un art qu’ils ne comprennent pas toujours et dont ils se foutent. Parce que de toute façon, à la Fashion Week on n’est pas là pour voir mais pour être vu.
L’autre réalité du monde elle, se fout de qui porte quoi. Elle tente de prouver son humanité face à la monstruosité à bord d’une flottille pour nourrir désespérément la partie lésée qui peuple cette Terre, que l’on affame et massacre jusqu’à l’extermination dans la plus grande hypocrisie et avec une volonté sadique. Tout ça pour un lopin de terre. Ce monde là, incarne littéralement un David qui, au péril de sa vie, fonce tout droit vers Goliath à armes inégales dans le seul but aussi est d’être vu. Il veut que toutes les caméras soient braquées sur lui. Voir, il ne veut plus. Suivre un odieux Hunger Game depuis son Smartphone a dépassé son seuil de tolérance.
Que dire des heurts dans une partie de ce même monde provoqué par le ras le bol d’une GenZ qui déplore les choix irrationnels qu’on fait pour elle ? Mettre des moyens pharaoniques dans le paraître et les fioritures de la Coupe d’Afrique des Nations à venir tandis que les hôpitaux en manquent cruellement, n’a de sens que pour un roi dont le seul but est, lui aussi, d’être vu et adoubé par un continent entier.
Ces réalités parallèles montrent un objectif commun. Celui d’éveiller l’intérêt, même si les projecteurs sont braqués dans des directions opposées. Cette Terre devrait pourtant leur permettre de se rencontrer. L’hypervigilance n’est pas un mode de vie. Le monde a besoin de la mode et du sport pour se divertir, pour créer, pour rêver, pour leur légèreté. Mais nier l’existence des déséquilibres continue de creuser l’écart dans la balance de l’Humanité. Deux poids deux mesures.
